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L’ÂGE DE L’EMPATHIE ?

par Claire Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Ecothérapie

L’ÂGE DE L’EMPATHIE ?

 

Le primatologue Frans de Waal est mort il y a quelques jours et j’ai perdu (avec des millions d’autres personnes) non pas un « maître à penser », cette expression tordue parmi d’autres dont notre société patriarcale est friande, mais une source d’inspiration, de découvertes enthousiasmantes et de réflexion.

Dans une autre vie, j’aurai rêvé d’être éthologue, et c’est resté une passion. Et il a engendré des descendant.es tout aussi intéressant.es.

Je vous partagerai trois idées-clé de ce chercheur, parmi de nombreuses.

  1. Lire Frans de Waal c’est d’abord confirmer que Le propre de l’homme n’existe que dans le petit ego de certains (trop nombreux). Cette idée d’une spécificité, bien entendue supérieure, de l’espèce humaine est très bien incarnée dans une phrase biblique que j’ai à nouveau entendue dans la bouche d’un évêque sur France Inter (par ailleurs assez sympa) : Dieu a fait l’homme à son image. Base des religions monothéistes et double aberration :
  • Quand vous entendez cette phrase, plus facile de voir un Dieu Papa et son fiston mâle plutôt qu’une femme, non ? Soyez honnêtes 😅 !
  • Si « Dieu » existe, IEL ne s’est sûrement pas contenté de l’homme, le vivant me paraît être nettement plus adapté à son image.

Lire Frans de Waal c’est ainsi retrouver un peu d’humilité pour ceux qui pensent que l’homme est le sommet de l’évolution. Ce n’est pas mon cas, je pense que le Vivant sous ses multiples formes est ce sommet, et d’ailleurs je pense qu’il n’y a pas de sommet !

  1. La deuxième idée de ce chercheur que j’ai envie de partager avec vous c’est l’importance qu’il accorde à l’Empathie comme moteur de transformation positive. L’empathie ou la mort. C’est le choix actuel de notre civilisation. Avec l’empathie, non seulement on change notre mode de vie et de consommation, mais on est obligés, sous peine de dépression profonde, d’arrêter toute destruction du Vivant. Nos dirigeants raisonnent sûrement très bien, mais côté empathie c’est trop souvent du 0/20, ce qui n’a malheureusement jamais empêché d’être au pouvoir, voire même au contraire.

Un petit exemple qu’il cite dans son livre, l’âge de l’empathie. J’ai bien vérifié que les souris ne souffraient que d’un « léger inconfort » dans le déroulé de l’expérience. Je résume (beaucoup). Dans une cage où vit un couple de souris, on provoque un léger inconfort à une des deux souris, en l’occurrence un mal d’estomac qui la fait s’étirer. L’autre souris qui la regarde s’étire de la même façon. Les souris démontrent ainsi une contagion à la douleur. Et si on applique le même traitement à la deuxième souris, elle est plus tendue et manifeste plus vivement son inconfort. Ainsi la vue d’une congénère qui souffre intensifie sa propre réaction à la douleur.

Encore mieux : en présence d’une souris inconnue qui souffre, la souris reste passive ! Mais quelle souris développe cette attitude contre-empathique ? Le mâle … Je vous passe la suite, passionnante, avec un petit clin d’œil quand même : les pages suivantes décrivent la même expérience chez des humains (avec des protocoles adaptés), et on arrive… aux mêmes résultats.

Bon, n’en concluez pas trop vite que les mâles sont incapables d’empathie, ils la mettent juste de côté plus facilement que les femelles pour se préparer au combat avec leurs rivaux. Mais c’est interrogeant quand même, non ?

  1. Troisième et dernière idée que je vous partage : repenser l’éthologie en sortant de toute une idéologie intégrée, conditionnée par la seule domination masculine. Les chercheurs se rendent compte que c’est bien plus subtil que cela, par exemple chez les primates. Frans de Waal parle même d’un « système féministe » chez les singes, et dans tous les cas, quand vous lirez les nombreux exemples, des chimpanzés aux babouins en passant par les bonobos, vous verrez peut-être avec d’autres yeux votre vie de couple ou d’entreprise 😂.

Alors, vous vous y mettez à lire ses livres ? Vous pouvez commencer par « l’âge de l’empathie » par exemple, mais tous sont passionnants.

 

 

Deux de ses livres. Cliquez sur l'image pour le titre.Deux de ses livres. Cliquez sur l'image pour le titre.

Deux de ses livres. Cliquez sur l'image pour le titre.

Anecdote amusante : sans le savoir, mon compagnon m'a offert cette photo le jour de sa mort ... Vive la synchronicité ! Ce n'est pas mon bureau pro, mais un petit espace de créativité ...

Anecdote amusante : sans le savoir, mon compagnon m'a offert cette photo le jour de sa mort ... Vive la synchronicité ! Ce n'est pas mon bureau pro, mais un petit espace de créativité ...

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L’AVORTEMENT, PARLONS-EN !

par Claire Sibille

publié dans Alterégales

L’AVORTEMENT, PARLONS-EN ...

AVANT QUE L'ON N'EN PARLE MOINS !

 

C’était beau la cérémonie du scellement de l’IVG dans la constitution (malgré une partie des acteurs, dont les principaux …).

Je suis du style à avoir la larme à l’œil dans ces moments-là, j’ai même aimé le discours du président, c’est tout dire !

Mais surtout, soulagement, mes filles ne courent plus aucun risque de vivre ce qu’ont vécu mes grand-mères et ma mère.

Par contre je ne suis pas sûre qu’elles soient à l’abri de ce que j’ai vécu moi.

Qu’ai-je envie de partager à ce sujet, en tant que femme, en tant que psy ?

En tant que très jeune femme, deux avortements, je ne savais pas qu’atteinte d’endométriose j’aurais de toutes façons fait une fausse couche, je l’ai su bien après. Dommage.

Dans les deux cas, compagnon (différent) présent, rien à dire de ce côté-là. Ou plutôt plein de choses sur leur vécu, mais ce n’est pas le sujet.

Acte banal ? Non. Intense réflexion et choix conscient dans les deux cas.

Par contre la deuxième fois je suis tombée sur une gynécologue « pro-vie » qui m’a fait comprendre ma douleur. Curetage sans anesthésie, certaines qui me lisent compatiront, et leçon de morale pendant toute l’intervention, du genre, « comme ça au moins vous ferez plus attention la prochaine fois, c’est vraiment pas sérieux, un deuxième en plus … » (SIC). Certes. Dans ces folles années de jeunesse ne faisais-je donc pas attention ? La pilule faisait partie de ma vie depuis l’adolescence pour cause de douleurs insupportables, dont j’ai appris bien plus tard (après 40 ans ! après X fausses couches !) qu’elles étaient dues à l’endométriose. Je ne savais pas que cette maladie existait, personne ne m’avait diagnostiquée, pas faute d’avoir vu des gynécos. Bizarre, maintenant je m’en passe …

Donc un problème de pilule, ça arrive, et la culpabilisation n’a pas marché. Je ne me suis pas sentie coupable, je savais trop bien qu’il n’y avait pas d’alternative satisfaisante. Ensuite l’endométriose m’a lavée de tout regret inutile, elle a eu au moins ça de bon.

En tant que psy, j’ai accompagné des femmes qui portaient comme une blessure un avortement non choisi, imposé par les conséquences, non accompagné, que ce soit par le porteur du spermatozoïde mais aussi, trop souvent, par la famille. Sentiments d’abandon, de solitude, de culpabilité, tristesse, colère, honte …

Celles qui ne m’en parlent pas c’est, dans le meilleur des cas que je leur souhaite, que ce n’est pas un sujet.

J’ai appris à accompagner ces jeunes filles et ces femmes, dans un vrai processus de deuil à retardement, un peu le même que pour une fausse couche, avec plus de culpabilité. J’ai évité de leur dire « ce n’est rien, juste un œuf », comme j’ai pu me l’entendre dire lors d’une fausse couche par une autre gynécologue tout aussi inspirée que les précédentes, et en tous cas mal à l’aise avec les émotions.

J’ai compris que même si cette liberté fondamentale se devrait de n’être jamais remise en question ni même discutée, elle n’empêche pas les émotions, l’histoire particulière et le contexte relationnel de chacune.

L’avortement est lui aussi un fait bio-psycho-social, qui s’inscrit dans un corps, dans une personne, avec ses émotions et son histoire, et dans une culture plus ou moins patriarcale (jamais pas du tout).

Un élément de réflexion incontournable, c’est que l’avortement ramène la jeune fille ou la femme à une relation, au minimum sexuelle, parfois plus. Et cette relation s’est inscrite dans sa chair. Impossible de faire l’impasse là-dessus sous peine d’être dans le déni et le clivage par rapport au corps.

Ensuite, soit je n’en entends pas parler en séance, parce que ce n’est pas un sujet ou au contraire, parce qu’il il y a encore un clivage, soit il y a ce processus de deuil à faire, et c’est tout à fait entendable malgré mon militantisme affiché.

Accomplir ce processus de deuil, parfois très rapide, une ou deux séances, libère de l’espace pour un futur, avec ou sans enfants, peu importe, mais un futur choisi.

Parfois des personnes pleines de bonne volonté voudraient nier, banaliser, oublier cette étape, qui encore une fois n’est pas obligatoire, pour certaines, l’avortement reste un acte médical « banal ».

Mais ce que j’ai pu constater ces derniers temps c’est que certaines jeunes filles commencent à avoir honte de leurs émotions, c’est un comble ! Elles culpabilisent, non pas de l’avortement, mais de ressentir des émotions alors que c’est une liberté si durement conquise par des générations de femmes, et une impossibilité dans tant de pays au monde. Elles se doivent d’être reconnaissantes et c’est tout !

Alors, est-ce possible de penser et de vivre ce phénomène dans la complexité ? De soutenir l’absolue liberté tout en accueillant les émotions légitimes ? J’ai bien dit en accueillant, pas en dictant.

Ce serait bien de ne pas emprisonner les émotions sous prétexte de liberté … Ça me fait un peu penser à la liberté sexuelle des années 70/80 ce que je dis, là. J’en ai parlé ailleurs, il y a déjà longtemps. Il y avait par exemple cette impossibilité à nommer un viol ou une emprise, sous prétexte de « liberté » durement acquise … Heureuse de voir que le débat s’affiche aujourd’hui.

 

Alors faisons attention de ne pas ouvrir de nouvelles prisons au nom d’une plus grande liberté. C’est un malheureux classique de l’histoire. Je vous laisse avec cette réflexion philosophique …

Le sceau de la constitution, merci Marianne !

Le sceau de la constitution, merci Marianne !

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