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La couleur des émotions

par Marie-José Sibille

publié dans Livres et films pour enfants ... intérieurs

La couleur des émotions

 

J'ai déjà partagé mon enthousiasme pour la créativité actuelle des illustrateurs de livres pour enfants, ainsi que pour ceux qui font les livres complets d'ailleurs, écriture et dessin.

J'inaugure donc une nouvelle catégorie de mon blog: " Livres et films pour enfants ... intérieurs ", car je trouve dommage de voir réserver ces petits chefs d'oeuvres aux parents ou grand-parents "d'enfants de 3 à 6 ans".

La couleur des émotions d'Anna LLenas, celui que je vous présente aujourd'hui, a plu à tout le monde chez moi, y compris les ados, ce qui n'est pas peu dire ! 

Parmi les émotions, certaines sont plus difficiles à apprivoiser que d'autres. Elle sont pourtant essentielles. La peur rend le monde gris quand elle prend toute la place au lieu de rester un signal d'alerte. La colère nous fait voir l'autre comme un ennemi, quand nous n'arrivons pas à affirmer nos limites. A nous de les apprivoiser, d'apprendre à les utiliser.

Le monde des émotions a ainsi besoin d'être plébiscité et reconnu dans toute sa richesse, ceux qui me lisent en sont pour la plupart convaincus. Mais il a aussi besoin de sortir "des jupes de maman" et du monde des "Bisounours" auquel il est trop souvent rattaché de manière plus ou moins méprisante par ceux qui ont tristement oublié leur âme d'enfant au fond d'un placard obscur.

C'est pour cela que je veux parler du meilleur et du pire, confronter l'émotion la plus belle à l'horreur que nous voyons au quotidien. Je sais qu'elle pourra résister. Car la résilience est là, la créativité aussi, elles habitent cette capacité du vivant à tricoter ensemble la douleur et la joie, l'émerveillement du quotidien et le tragique du monde. 

 

La couleur des émotions, un beau livre, intelligemment fait, pour apprendre à apprivoiser nos émotions.

La couleur des émotions, un beau livre, intelligemment fait, pour apprendre à apprivoiser nos émotions.

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L'homme qui murmurait à l'oreille du bois

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien c'est pas banal

 

L'homme qui murmurait à l'oreille du bois

 

Il est arrivé chez moi tôt le matin pour livrer et monter un meuble un peu compliqué. Un nouveau lit.

Il a défait les cartons avec précaution et aligné les pièces l’une à côté de l’autre. Puis il a choisi ses outils. Je l’entendais parler depuis la pièce d’à côté, alors je suis venu regarder de temps en temps, juste pour voir le lit habiter peu à peu le vide.

Il ne se parlait pas à lui-même comme je le pensais. Il parlait au lit, ou plutôt à chaque pièce de bois, l’une après l’autre. Il parlait doucement, avec chaleur et empathie, comme on encourage un enfant à apprendre, quand on est bien luné.

« T’es un bon, toi », disait-il au montant du lit qu’il caressait en passant, jouissance du contact soyeux, je peux comprendre, « tu sais que j’ai une longue journée qui m’attend et t’as décidé de m’aider ». Puis il a tapoté l’autre montant, histoire de lui montrer comme son copain était participatif. Et l’autre montant s'est mis juste là où il fallait.

Puis il a pris un maillet matelassé pour aider une petite pièce à rentrer dans le rang.

Il ne voulait pas risquer de faire un bleu au lit.

Il s’est énervé un peu contre une latte qui ne se mettait pas bien comme il faut, qui n’y mettait vraiment pas du sien, « Tu as décidé de me prendre la tête toi aujourd’hui » ! Mais c’était juste un moyen de réveiller la latte et de mobiliser son énergie. Le bout de bois lui résistait, mais il allait finir par comprendre. « Ah, voilà, tu t’y es mise finalement ! Tu vois que ce n’était pas si dur ! ». La latte s’emboitait maintenant parfaitement avec ses copines. Il releva un instant la tête avec un sourire satisfait.  

Au bout d’une demi-heure de travail, il a défait les deux chevets et les a posés de chaque côté du lit, et, dernière touche au tableau, il a passé un coup de chiffon pour enlever la petite poussière de bois.

« Tant qu’à faire », m’a-t-il dit.

Je voyais qu’il était fier.

Il commençait bien sa journée.

Et me sont alors revenus ces clivages de ma scolarité entre les intellectuels, les bons quoi, et puis les manuels, les mauvais, le rebut.

Et puis chez les intellectuels, il y avait les vrais bons, les scientifiques, ce qui feraient « S » aujourd’hui, et les faux bons, les littéraires …, les « L ». Par exemple et au hasard les femmes qui ont besoin d’apprendre quelques mots pour pouvoir bouquiner entre deux corvées ménagères quand elles seront mariées et auront des enfants.

Et puis après, il y avait les vrais vrais bons, ceux des grandes écoles, et les faux vrais bons, ceux de la Fac …

Et au final, il n’en reste plus qu’un, un homme blanc, tout paumé en haut de sa pyramide, mais qu’est-ce qu’il nous ……. !

J’ai mis trop de temps à larguer les amarres pour faire ce qu’il me plaît, à murmurer à l’oreille de ce qui m’écoute et me parle, tant la pression élitiste de ce système d’apprentissage se présente encore souvent comme la seule vérité malgré ses échecs spectaculaires en terme d’intégration sociale et d’épanouissement professionnel et humain. Il faut aujourd’hui comme hier suivre la droite ligne depuis la maternelle encore heureusement un peu épargnée, un peu créative, jusqu’à l’université et aux grandes écoles, publiques ou privées, ces régimes totalitaires du savoir.

Alors merci à cet homme qui murmure à l’oreille du bois.

Quand il est parti, j’ai vu le lit sourire.

L'homme qui murmurait à l'oreille du bois

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